≈ sweetie, you couldn't ignore me if you tried.De nos jours, les enfants n'ont plus le temps de croire aux contes de fées. Nous avons passé l'an deux milles, un nouvel air vient de s'ouvrir devant nous. Le temps passe, effaçant au passage, les souvenirs de notre propre enfance. Dans ce nouveau monde où nous vivons, il n'est pas bon d'être une âme innocente. Même nos gamins sont devenus des têtes pensantes qui ne croient que ce qu'ils voient. Une triste réalité, bien différente de celle d'autre fois...Et cela, je ne le sais que trop bien. Ma vie de jeune enfant a été rythmé par le son de la douce voix de ma mère qui ne cessait de me raconter des contes de fées. Je les connaissaient tous par coeur et c'est encore le cas aujourd'hui. Une enfance heureuse qui fût, malheureusement, de courte durée. Pas de magie blanche dans ce monde. Pas de fins heureuses à Hollsville. Personne est venue secourir une petite fille de neuf ans ce 18 Avril 1996. Personne ! Pas le moindre super héros pour arrêter ce méchant homme. J'y croyais pourtant, à ces supers héros qui savent si bien sauver le monde. Ma soeur est morte dans une salle de classe. Cette même classe où nous passions nos journées. Sauf moi, ce jour là. J'étais malade et ma mère m'avait donc permis de rester à la maison. J'adorais ça. Etre avec maman. Seule. Sans mes grandes soeurs, sans ma soeur jumelle. Ce n'est pas facile de naître à deux. On doit toujours partager sa mère. Pour les biberons, pour le bain, pour tout le reste. Ce jour là, j'étais une seule personne. Ce jour là, j'étais loin d'imaginer que je ne serais plus jamais deux !
"Elena ? Elena vous êtes toujours avec moi ? Vous sembliez ailleurs." La voix du médecin me fit sursauter. Il avait raison sur un point, j'avais, pendant quelques secondes, pris la décision de ne plus l'écouter. Sans doute parce que c'était parfois trop difficile de répondre à ses questions. Replonger dans ses souvenirs, c'est parfois bien plus douloureux qu'on pourrait le penser. Pourtant, Emma ne vit avec moi chaque jour. A l'intérieur de moi. C'est pour elle que je suis devenue institutrice. C'était son rêve à elle, pas le mien. Emma était une partie de moi, la meilleure partie de moi. Aujourd'hui, il ne me restait que les souvenirs d'une enfant aux cheveux long toujours souriante. Nous étions identiques. Presque comme des clones. Rien ne permettait de nous distinguer. Si ce n'est quelques unes de nos mimiques. Mes parents, ou plutôt ma mère, arrivaient à savoir laquelle de nous deux étaient Emma et l'autre Elena. Je n'ai jamais connu mon père. Il est mort quand j'avais environ quatre ans. Mes souvenirs de lui ont totalement disparue de ma mémoire, même si je fais parfois semblant de m'en souvenir. C'est d'ailleurs après le décès de mon père que nous sommes venue vivre dans cette petite ville de Louisiane. C'était plus calme disait ma mère, on n'y serait mieux ! Cette ville là, elle lui a pourtant volé un enfant. "Excusez moi. J'ai eu une journée épuisante." dis je un léger sourire sur les lèvres, en guise d'excuse. Il a répondu à mon sourire. J'ai toujours été impressionné par les psychologues. Ils ont une capacité d'écoute illimité. Je raconte pourtant souvent la même chose mais il continue, encore et encore, de m'écouter. "Pouvons nous parler de votre soeur aînée ?" Un léger soupir sortit de ma bouche. C'était tellement difficile de parler de Victoire.
"Pourquoi tu me déteste ? C'est quoi ton putain de problème avec moi ?" ais je dis en hurlant sur ma soeur. Je ne la supportais plus. D'ailleurs, d'aussi loin que je me souvienne, je ne l'avais jamais supporté. Si, quand j'étais encore une enfant nous étions proches mais très vite les choses sont devenues compliquées. Dés que j'ai eu neuf ans en réalité. Je savais très bien pourquoi Victoire ne m'adressait quasiment plus la parole, sauf pour me faire des reproches. Je savais très bien pourquoi elle ne me regardait plus jamais dans les yeux. Je savais tout. Et la vérité, c'est que c'était totalement douloureux. "A moi aussi elle me manque. Tout le temps. C'était ma jumelle Victoire !" Des larmes commençaient à sortir de mes yeux pour dégouliner sur mes joues. J'avais terriblement mal. Victoire, quant à elle, ne me regardait toujours pas. "REGARDE MOI PUTAIN !" ais je hurler au visage de ma soeur aînée. Nous avions six ans d'écart et lorsque j'étais plus jeune, je l'avais souvent considéré comme un modèle. Je l'aimais tellement, que ça ressemblait parfois à de la haine. J’espérais qu'une seule chose, c'était qu'elle m'aime aussi et qu'elle me le dise une fois dans sa vie. "On ne m'a pas fêter un seul anniversaire depuis sept ans Victoire ! Sept ans ! Et tu sais pourquoi ? Parce qu'elle est morte deux jours avant ses neuf ans. Mes neufs ans." Ma mère était exactement pareille. Je sais, ou du moins, je crois savoir qu'il n'y a rien de pire que de perdre un de ces enfants. Ma mère souffre depuis sept ans. Elle pleure chaque soir. Toutes les mères auraient la même réaction. Cependant, la mienne, elle pleure dés qu'elle me regarde. Parce que je lui ressemble trop, beaucoup trop et que je suis malheureusement celle qui est encore en vie. Chaque jour que Dieu fait, je me demande pourquoi je suis tombée malade ce fameux 18 Avril. Cela aurait été tellement plus simple pour tout le monde, si j'étais morte avec elle, en même temps qu'elle. C'était peut être ça ce qui était supposé arriver. J'étais arrivée sur terre en même temps qu'elle et je devais mourir en même temps également. "C'est trop dur de te regarder. J'avais quinze ans Elena, je n'étais qu'une ado et j'ai dû enterrer ma petite soeur. Et chaque jour, tu me la rappelle." J'ai soupiré secouant la tête avec force de gauche à droit. "Moi aussi, j'ai dû l'enterrer. J'ai du accepter de voir mon propre visage sur une tombe. J'ai du accepter que chaque jour, maman et toi me rappeliez à quel point je lui ressemblais. Je te déteste..."
"Rien n'a changé avec ma soeur Docteur. Si ce n'est qu'elle se sent aujourd'hui obligé de me regarder. Il faut croire qu'elle a mûrit. Et puis, il faut dire que son fils est dans ma classe alors elle me parle au moins pour connaître ses notes." J'ai poussé un soupire. Il n'y avait pas grand chose à dire sur Victoire et moi. Nous ne serions jamais amies. Jamais des soeurs non plus. Nous sommes deux étrangères. C'était aussi simple que cela. "Vous êtes proche de votre neveu tout de même ?" Il n'avait pas tord. Avec Kays c'était différent. Kays est un enfant autiste. Il n'a jamais ouvert la bouche. Il est très intelligent, travaille bien à l'école mais il ne parle pas. Il refuse qu'on le touche également. Depuis qu'il est né, il y a environ huit ans, Victoire ne vit que pour lui. Et contre toute attente, cet enfant et moi, nous arrivons toujours à nous comprendre. "En effet, je le garde parfois. Victoire sait que...Enfin, avec moi c'est différent. Il est proche de moi." "Votre mère vous manque parfois ?" dit il sur un air interrogateur. Je souris timidement devant la remarque. Ma mère n'a jamais été une mère pour moi. Enfin, après la mort d'Emma je veux dire. Elle a cessé de me regarder et même de me parler. Chaque parole, lui donnait simplement envie de pleurer. Chacun de mes sourires lui faisait trop de mal. Je crois que c'est pour ça, que j'avais fini par prendre l'habitude d'arrêter sourire devant elle. J'ai tout accepté, tout ce qu'elle me demandait. Même de ne plus fêter mes anniversaires. Ils étaient trop proches de la date du massacre ou alors, Emma n'étant plus là, ça ne servait plus à rien. "Non. Jamais. Je n'y pense jamais. J'avais pris l'habitude de vivre sans mère Docteur." Décédée il y a environ deux ans, des suites d'un cancer, il est certain que je ne pense jamais à elle. La mort d'Emma étant la seule qui continue de me hanter. "Je vois... Parlez moi de votre grand frère et de votre petite soeur." Cette fois, un véritable sourire est apparût sur mon visage. Il faut dire qu'avec eux, j'avais de vrais bons souvenirs, datant notamment de l'adolescence. "Mon grand frère n'a pas toujours eu une vie très drôle. Je crois qu'il a beaucoup souffert lui aussi de la mort d'Emma. Il a fait pas mal de conneries dans l'adolescence. A l'époque, je ne trouvais pas ça grave mais ça l'était. Nous étions très proches. Il a deux ans de plus que moi et il a toujours été important. J'ai eu beaucoup de mal à vivre une année sans lui. Cette fameuse année où il est allé en prison. A force de faire le con, il lui est arrivé des bricoles. Néanmoins, heureusement que Nathan existe. Il est l'un des seuls membres de ma famille qui ne m'ait jamais rejeté. Lola, c'est différent. Je me suis toujours sentie investie d'une mission avec elle. Je devais la protéger, quoi qu'il arrive. J'avais perdue ma jumelle, il était hors de question que je perde ma petite soeur. Je suis encore très proche d'elle aujourd'hui et sincèrement, je crois que si elle n'était pas là, notre famille n'en serait plus vraiment une." En effet, seule Lola arrivait à tous nous rassembler. Pour Noël, pour son anniversaire et pour toutes les fêtes de familles. Elle a toujours été celle pour qui nous faisions le plus d'efforts. "Vous voulez dire que, sans elle, par exemple, vous ne verriez plus votre soeur aînée ?" J'ai souri légèrement et acquiescer d'un signe de tête. En effet, c'était aussi simple que ça. Cette réponse a dû lui convenir puisqu'il a rapidement changé de sujet. "Et avec votre amie, Camille je crois, vous en êtes où ?" Sujet sensible Camille. Une grimace est apparue sur mon visage. Camille ça faisait presque aussi mal qu'Emma.
"J'aimerai juste savoir pourquoi tu me quittes exactement ? C'est à cause de ta famille bourgeoise et catholique ou à cause de ma soeur ?" Elle a soupiré. Je suis restée sans bouger. Je ne voulais surtout pas qu'elle croit qu'elle allait s'en tirer avec un simple soupir. Camille et moi sortions ensembles depuis presque sept mois et depuis qu'elle avait été embauchée dans le cabinet d'avocat de ma soeur aînée, c'est comme si elle ne voulait plus être avec moi. De plus, notre relation était très mal vue de la part de ses parents, ce qui ne devait certainement pas arranger les choses. "Tu veux bien arrêter avec ta soeur ?! C'est ma patronne d'accord mais je me fiche littéralement de ce qu'elle pense de toi." Je n'en étais pas convaincue et Camille le voyait pertinemment. "Ecoute...Je ne peux pas continuer c'est tout. C'est compliqué.." J'ai fais un léger signe de tête, me dirigeant vers la porte de son appartement, m'apprêtant à rejoindre le mien. "Je vois...Dans ce cas, je crois qu'on s'est tout dit." ais je dis avant de finalement claquer la porte derrière moi.
"Je n'ai pas de nouvelles Docteur et elle me manque. C'est atroce. Je suis sûre que ma soeur est pour quelque chose dans notre rupture. " J'en étais persuadée. Victoire avait embauché Camille bien avant de savoir que nous étions en couple. Elle n'a pas dû apprécier la nouvelle. Non pas que ma soeur me déteste au point de ne pas vouloir me voir heureuse, mais disons qu'elle n'a jamais vraiment accepté mon homosexualité. L'homosexualité en générale. Alors une employée homosexuelle, qui sort avec sa soeur ce n'était pas possible. De plus, les gens auraient pu se dire que c'était du piston. "J'entends ce que vous dites mais vous ne pensez pas plutôt que le véritable problème, ce soit ses parents ?" Il avait sans doute raison. Depuis que Camille leur avait annoncé qu'elle sortait avec moi, ils lui menaient la vie dure. Camille était attachée aux valeurs familiales, aux traditions et à la religion. Je ne correspondait certainement pas au prince charmant dont elle avait rêvé toute son enfance. "Camille a trop peur de ce que les autres peuvent penser. Pour cela elle ressemble beaucoup à ma soeur." Il a sourit. Comme si la situation était drôle. "Ce n'est peut être pas pour rien que vous l'aimez autant." Je l'ai regardé surprise et j'ai finalement poussé un soupir. "Docteur, je fais quoi pour être heureuse ?" Il a sourit de nouveau. "Cessez de vous tenir responsable de la mort de votre soeur. C'est la seule solution. Faites taire cette culpabilité qui vous ronge. Parlez à votre soeur. Parlez à Camille. Pardonnez leur et pardonnez vous surtout."