"Elle n'est qu'une enfant". La voix étrange de sa tante intriguait fortement la gamine de huit ans, depuis le salon. Elle arrêta nette le balancement de ses jambes sur le canapé lorsque les deux tons de voix s'accentuaient alignant leurs paroles avec des gestes. Ce frétillement dans sa voix pouvait masquer bien des choses tel qu'une colère ou une douleur. Effectivement, elles avaient perdu une attache, une partie d'elles-mêmes, leur ayant pris une sœur, une amie ou une mère en tirant simplement sur une gâchette. Shawna ne pouvait pas encore réaliser la grandeur d'un tel évènement. Et même si elle en prendrait conscience, elle ne pourrait pas se relever l'esprit léger. Son cœur était détachée, abîmé, brisé, peut-être solidifié par sécurité. Elle rompt d'un geste, d'un doigté la larme qui glissait le long de sa joue de poupon métissé se tournant ainsi vers la fenêtre où elle aperçue quelque chose qui retenu son regard quelques secondes. Ses mains entouraient la bordure qui encadrait la fenêtre les yeux encore émerveillés de ce qu'elle voyait. Depuis toute petite, elle était toujours émue quand elle voyait quelque chose dans les airs. Une montgolfière, un oiseau... Dans sa petite cage thoracique, un cœur battait et ressentait quelque chose, une émotion. Elle avait l'impression d'avoir un esprit libre. Loin d'être poète, elle sentait qu'un jour elle voulait être libre, affranchie de toute prise de dévouement. Elle a toujours su qu'elle voulait prendre ses propres décisions ou choix. Dure de croire qu'une petite fille de huit ans était aussi mature et sûre d'elle. Aujourd'hui, en y repensant, elle retient son souffle car elle réalise finalement que c'est bien plus compliqué. Qu’on n’a jamais ce qu'on a malheureusement. Elle s'était affranchie en s'éloignant de sa tante une seconde pour ainsi grimper le haut de cet arbre. Lorsque doucement elle aperçue enfin la chevelure du petit garçon qu'elle observa plus tôt.  [..] - Pendant ce temps, sa tante prit conscience que Shawna avait pris la peine de se glisser entre leurs disputes incessantes pour partir. Elle prit peur. Et l'homme, à côté, la rassura en lui faisant signe de tête montrant ainsi la fenêtre entre ouverte. La tante laissait sortir un bruit de sa bouche. Il prononça des mots à son oreille tel que, "laisse la, ne t'en fais elle va bien". Elle regarda par la fenêtre voyant que la gamine allait plutôt bien. Souriante même. Elle eut alors une pensée émue. Shawna ressemblait beaucoup à sa mère étant gosse. Ses pommettes rosées et sa chevelure de lionne toute frisées, c'est sûr elle ne pouvait que venir d'elle. Elle esquissa une larme qu'elle effaça tout de suite. - La main de Shawna glissait petit à petit et son cœur s'accéléra d'anxiété. Elle ne voulait pas tomber. Ses pensées se bousculèrent dans sa tête. Et elle n'arrivait plus à réfléchir. Elle perdait l'équilibre de soi. Puis, par un mouvement de bascule, elle succomba au lâché prise et tomba de l'arbre gratinant sauvagement son genou et sa tête. Elle cria. Sa voix aiguë interpella les adultes dans la maison, se précipitant vers la gamine. Elle voyait du sang, partout du sang comme celui de sa mère coulant sur la moquette de la salle de classe quelques mois plutôt. Mais elle fantasmait. Ce n'était pas la réalité. Les images vinrent à défiler de nouveau et ce fut le choc. Elle resta quelques jours dans le coma, ayant perdu conscience.


Faisant les cents pas devant la porte de l'appartement, Shawna hésitait depuis des heures maintenant. Elle esquissait des sourires tout en jouant la comédie. Elle répétait un texte comme la veille d'une avant-première de théâtre. Cela faisait des années qu'elle ne l'avait pas recroisé et se sentait terriblement mal à l'aise à l'idée d'être en face de lui. Elle rougit. Elle pensait qu'il allait lui claquer la porte au nez et qu'il voudrait ne plus jamais la revoir. Elle songeait qu'elle comprendrait très bien cette réaction-ci. Mais elle a finit par abandonner. Une manière qui ne lui ressemblait pas. Mais elle était sûre d'elle, elle n'allait pas frapper à la porte arborant un agréable sourire aux lèvres, après des années. Ce n'était pas logique selon elle. Cela faisait quelques jours qu'elle y pensait après que sa tante lui en avait parlé. "Tu te rappelle du petit-garçon avec qui tu jouais quand tu étais encore qu'une petite fille. Vous vous ne vous quittiez plus. Crois-moi, si tu veux aller réouvrir l'enquêter pour ta mère, tu n'as qu'à aller le trouver. Il est devenu policier d'après Abbey" Abbey était une vieille amie de sa tante. Elles étaient comme deux commères sur leur bon vieux banc, de la grande place de Hollsville. Là où tout se passe.