La journée avait été longue et épuisante pour Alec. Appelés lui et son équipe sur les lieux d’un accident, voiture contre camion, trois bonnes heures avaient été suffisantes pour extraire les pauvres victimes des carcasses encore fumantes. De telles journées n’étaient pas rares mais toujours traumatisantes dans l’esprit des témoins de la scène. Aussi, son uniforme et ses boots à peine rangés, Alec se délectait déjà de retrouver la bonne humeur et le sourire amusé de sa fille. S’il n’arrivait que très rarement à épargner ses week-ends et ses matinées, il tenait à pouvoir venir chercher sa fille à l’école, bien qu’il y soit toujours en retard. Cette après-midi là n’échappa pas à la règle. Lorsqu’il arriva finalement devant les grilles de l’école, sa fille l’attendait déjà, les bras croisés et une fausse mine boudeuse sur le visage. « Papa, t’es encore en retard. » Si petite et pourtant si sûre d’elle, Alec n’avait aucun souci à se faire pour elle, Sofia mènera son futur mari par le bout du nez. Encore fallait-il que le futur mari en question survive à la rencontre avec le paternel, histoire à suivre. « Ouh pardon demoiselle, mais votre carrosse est arrivé. » Répondit le père en s’abaissant de façon à être à la même hauteur que sa fille. « C’est pas drôle, je t’attends depuis cinq minutes moi. » L’enfant qui gronde son père, Alec aura tout vu. « Je pensais me racheter en allant manger une glace mais si tu boudes comme ça, autant rentrer à la maison. » La gourmandise de la fillette sembla soudainement se réveiller lorsqu’elle se mise à sauter sur place, le visage éclairé et les bras s’agitant dans tous les sens. « Je veux, je veux ! » Alec sourit, il connaissait sa fille à la perfection. Se redressant finalement, c’est à ce moment là que son regard croisa le sien. La belle blonde qu’il avait tant aimé à une époque. Ses yeux s’écarquillèrent et le temps d’une seconde il cru rêver. Ca ne pouvait être elle. Pourtant la ressemblance était trop frappante et ces années d’absence n’y faisaient rien, Alec la reconnaitrait toujours entre mille. Il avait pourtant essayer de l’oublier, de tirer définitivement un trait dessus mais son mini elle rendait l’opération impossible. Sofia lui ressemblait tellement. Alec sortit brutalement de ses pensées lorsqu’on tira faiblement sur la manche de sa veste. Il baissa la tête et croisa le regard inquiet de sa fille. « Papa ? » Sa voix l’était tout autant. Alec garda le regard fixé sur elle un instant, ne sachant trop comment la rassurer alors que lui-même était incapable du moindre mouvement. « C’est rien Sofia. » Finit-il par dire après de longues secondes de silence. « Je dois aller régler quelque chose, en m’attendant tu peux aller jouer avec les autres enfants dans la cour ? Promis je ne serai pas long, et ne t’éloigne pas d’ici, compris ? » Encore inquiète, la fillette obtempéra d’un simple mouvement de tête. Alec la regarda rejoindre les autres enfants et fit volte face, le regard désormais centré sur Madison. Dès qu’il fut assez proche d’elle, sa main s’empara de son bras et il l’entraina plus loin, assez loin pour que sa fille ne les voit pas. Finalement, il la lâcha. « Qu’est ce que tu fous là Madison ? » L’effet de surprise balayé, seule la colère de ces cinq dernières années animait désormais le jeune homme. Il pensait ne jamais la revoir, ne plus jamais avoir à faire à elle mais elle était là. Pour quelle raison, pour combien de temps, Alec l’ignorait.

Madison et ses cheveux blonds. Madison et ses grands yeux bleus. Madison et sa petite fossette à chaque rictus de nervosité. Alec connaissait tout d’elle, dans les moindres détails, et pourtant il n’osait y croire. Elle était bien là, devant lui mais ses yeux refusaient de s’avouer vaincus. Ce moment, Alec l’avait trop imaginé, trop espéré pour se laisser aller à y croire cinq ans plus tard. Le temps d’un instant, le jeune homme resta interdit, contemplant cette femme qu’il ne pensait jamais revoir. Cinq ans sans nouvelle, sans adieu, juste un mot à peine griffonné et laissé sur la table de la cuisine. Malgré ça, elle osait le supplier de revenir ? De rentrer à la maison ? Oui, ce fut un temps leur maison, à tout deux, mais ce temps était bel et bien révolu. « Tu veux… » Il porta une main à son front, balayant au passage les quelques méches de cheveux que l’effet de surprise lui avait collé au front. Seule sa respiration saccadée trahissait le peu de self-control qu’Alec arrivait encore à maintenir. « Il n’y a plus de maison pour toi ici. » Le ton était calme mais assuré. Non, il n’y avait plus rien pour elle. Son regard suivit le sien et lorsqu’il se posa sur la fillette, Alec fit machinalement un pas en avant, cachant l’enfant aux yeux de la dite mère. Elle n’avait pas le droit de la trouver magnifique, pas après l’avoir abandonné. Madison ne connaissait rien de sa fille, elle l’avait mis au monde, était partit et Alec s’était occupé d’elle tout ce temps depuis. Il l’avait nourrit, changé, bercé, plus tard il avait été le joyeux témoin de ses premiers pas, puis un jour elle l’avait appelé papa. C’était grâce à lui tout ça, Madison ne pouvait pas revenir et tout gâcher. Pas après qu’il se soit fait une raison que plus jamais elle ne reviendrait. Puis elle s’excusa. Peut être lui aurait-il pardonné quelques années plus tôt, quand il espérait encore mais c’était trop tard. Elle les avait trop trahit, en partant et en ne revenant pas. Alors, c’était trop simple, bien trop simple de la pardonner. « Va te faire foutre avec tes excuses. » Le regard noir, Alec ne lâchait plus des yeux son ancienne compagne. « Qu’est ce que t’attends au juste ? Tu penses pouvoir réapparaitre et avec le temps regagner ta place ? T’es l’unique responsable de tout ce merdier Madison alors assumes-en les conséquences. » Il s’en foutait de ses explications. Connaître le pourquoi du comment ne l’intéressait pas, Alec ne voyait que les retombées de son comportement passé. La furie toujours bien implantée dans le regard, Alec tourna finalement les talons. Il savait la discussion loin d’être terminée mais il avait besoin d’air frais, ne serait-ce que le temps de quelques pas. Ses mains allaient trouvées ses hanches tandis qu’il s’arrêtait une nouvelle fois, lui faisant toujours dos. Il la savait toujours derrière elle, de nouvelles larmes menaçant de couler mais pour une fois il n’irait pas la consoler. Pouvoir enfin lui déverser ses quatre vérités lui faisaient un bien fou. Rien à foutre de ses états d’âmes à elle. Alec se mordit la lèvre inférieure et lui fit finalement face. « Nous… Lui fait pas ça Madison. » Reprit-il le ton plus calme. « Elle mérite pas une mère indécise. » Car il le savait, son retour n’était qu’éphémère. Bientôt elle repartirait et ce serait à Alec de recoller les morceaux, seul. Il l’avait fait cinq ans plus tôt mais n’en avait plus la force. Son regard s’attarda sur sa fille, il ne la laissera pas souffrir. Il s’y refusait.