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 Que les masques tombent | Angie & Irene

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MessageSujet: Que les masques tombent | Angie & Irene   Que les masques tombent | Angie & Irene EmptyMar 22 Juil - 12:55

Que les masques tombent



Encore une soirée en solitaire, comme Madison en connaissait tellement ces derniers temps. L’intégration à Lewisburg était plus difficile que prévu. Les gens continuaient de la dévisager comme une étrangère, quelqu’un qui n’avait rien à faire là. Quelqu’un qui ferait mieux de repartir. Mais Madison l’avait promis à sa sœur, elle ne partirait pas, plus maintenant, pas avant d’avoir tout essayé. De s’être battue pour refaire surface. Désireuse de ne pas se retrouver encore toute seule comme une idiote, dans son bungalow récemment acquis au Wild Side Camp – comme au bon vieux temps ! avait-elle envie de hurler, elle se retrouva un peu par hasard dans le vieux bar mieux de la ville, mais fort animé ce soir-là. Comme tous les soirs, bien sûr. Mads était toujours impressionnée par la capacité des gens de la ville à faire la fête, sans jamais se poser de questions. Les masques tombaient pour le plus grand bonheur de tous et les clients du bar semblaient vivre comme s’ils ne devaient jamais mourir. La gigantesque valse des hypocrites n’avait plus cours ici, les gens se livraient sous leur jour véritable ! Madison adorait cette ambiance tellement particulière. Alors elle y venait le plus souvent possible en espérant ne pas croiser de personnes connues qui pourraient ensuite rapporter son comportement à sa grande sœur, déjà bien remontée à son égard.

Elle en était à son quatrième – ou son cinquième, peut-être, elle ne savait plus bien – verre d’alcool, qu’elle descendait d’un trait, et la tête commençait à lui tourner. Trop d’alcool. Ou pas assez, en tout cas, pour oublier. Quelle vie de merde, putain ! Elle aurait aimé partir et ne plus être elle, ne plus être Madison, n’avoir pas fait les mêmes erreurs. Et potentiellement être un mec pour embrasser sans vergogne cette charmante créature à quelques mètres, également appuyée au bar. Une jeune femme qu’elle ne connaissait pas, mais puisqu’elle ne connaissait plus grand monde à Lewisburg, ça n’était pas étonnant. Ravissante, oui. Madison ferma les yeux. Elle n’arrivait plus à penser. La soirée karaoké spécialement prévue pour l’occasion battait son plein, au fond de la pièce, et plusieurs clients du bar se dandinaient déjà devant le micro en prétextant savoir chanter. Les paroles de chansons connues égrenées par des voix parfois éméchées retentissaient aux oreilles de Madison mais elle était suffisamment saoule pour trouver ça joli. Elle, elle chantait terriblement mal. Elle n’avait jamais aimé ça. Tout en se retenant à son tabouret pour ne pas sombrer, elle fit signe au barman.  « Un autre, j’suis encore trop lucide ». Elle ne se souvenait plus à combien de verres elle était. Depuis tout à l’heure, un cocktail lui faisait de l’œil et elle se jura de le commander d’ici la fin de la soirée, si elle ne finissait pas vautrée sur le parquet avant. Ta réputation est déjà foutue, alors passe pour une alcoolique nauséeuse si t’en as envie, et envoie-les tous en enfer. Elle sourit au barman pour le remercier. Madison était une fille sympa, quoi qu’on dise. Pas du genre à se reposer sur ses lauriers ou à fuir la compagnie. Elle aimait les gens. C’était plutôt les gens qui ne l’aimaient pas, allez savoir pourquoi. Et ça commençait à lui peser sérieusement. Allez, haut les cœurs ! Personne de connu, personne ne savait qui elle était et probablement, le lendemain, elle aurait tout oublié. Elle descendit son dernier verre avant de le reposer bruyamment sur le comptoir, puis changea de tabouret pour s’installer tranquillement à côté de la jeune femme solitaire elle aussi.

Son visage ne lui disait rien. Elle lui sourit, comme pour la rassurer – non, elle n’était pas une dangereuse psychopathe prête à la séduire et à la découper en morceaux dans une chambre froide – et souffla « dure journée, hein ? ». Pas difficile de s’en rendre compte. Madison avait l’œil pour ça. La soirée karaoké se poursuivait toujours et l’atmosphère était si joyeuse que la jeune femme se surprit à penser que peut-être, elle pourrait passer une bonne soirée. A condition de ne plus être totalement elle-même. Une fois que l’inconnue aurait accepté sa présence au lieu de la faire fuir à coup de sac à main, elle commanderait un autre verre. Et se noierait dedans.
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MessageSujet: Re: Que les masques tombent | Angie & Irene   Que les masques tombent | Angie & Irene EmptyMar 22 Juil - 19:17



Que les masques tombent



Des cris, des larmes résonnaient, les flammes éblouissant son visage, la fumée embrumant son esprit. Il faisait chaud, trop chaud. Tellement chaud que ça brûlait. Elle étouffait dans cette pièce qu’elle ne connaissait pas, sans même savoir comment elle avait atterri là. Elle toussait, la fumée s’emparant de sa gorge pour l’empêcher de respirer, elle s’intoxiquait tout doucement, piégée par les flammes, recluse dans un coin pour s’en éloigner un maximum. Elle hurlait à l’aide, encore et encore, mais personne ne l’entendait, personne ne venait la chercher, elle était piégée. Elle allait mourir là, seule au milieu des flammes. A bout de souffle, elle s’évanouit finalement, se laissant sombrer vers l’inconnu. Elle se réveilla soudain en sursaut dans son lit, la chaîne qu’elle avait autour du cou la serrant si fort qu’elle était presque sûre qu’elle aurait pu en mourir. Angie se releva donc brusquement, libérant sa gorge sur laquelle la chaîne avait laissé des traces rougeâtres, signe qu’elle n’était pas passée loin de la fin. Essoufflée, elle tâcha de remettre de l’ordre dans ses idées. Elle faisait ce même cauchemar depuis un an maintenant, depuis la mort de William. Chaque matin elle se réveillait en sursaut avec cette même impression de vide. Elle revivait sa mort, imaginant la torture qu’il avait dû subir. Elle n’en parlait à personne, elle gardait ça pour elle, et elle emporterait ce secret dans sa tombe. Elle allait très bien. Elle fuyait le chagrin comme la peste, refusant d’admettre qu’il n’était plus là.

Elle quitta son lit rapidement, ne prenant pas la peine de s’habiller avant de descendre prendre un semblant de petit-déjeuner. Un fruit, et une bière pour attaquer la journée. Elle attaquait déjà, même si ce n’était pas grand-chose au fond. Rien qu’une bière. Puis une deuxième ensuite, et si le cœur l’en disait, une troisième pour tenter de combler le trou dans sa poitrine. Elle n’avait pas été acceptée pour le prochain ballet, trop soûle au moment des auditions pour tenir droite. Tant pis, au moins, elle avait du temps à elle. Heureusement qu’elle avait assez d’argent de côté pour voir venir. Elle soupira en finissant sa troisième bière, flânant sur le canapé comme une adolescente flemmarde, ce qu’elle n’était plus depuis bien longtemps. Personne ne venait sonner à sa porte pour prendre de ses nouvelles, et certainement pas celui qu’elle avait toujours considéré comme son meilleur ami. Celui-là, il ne perdait rien pour attendre. Il avait contacté sa mère pour qu’elle la colle, qu’elle joue les mamans modèles alors qu’elle n’avait pas été là pendant plus de quinze ans. Quelle blague. Angie l’avait jeté dehors les quelques fois qu’elle avait sonné à la porte en demandant des nouvelles.

Elle se prépara finalement et sortit son plus beau sourire devant la glace avant de quitter son domicile. Tout allait bien, elle allait très bien. William n’était pas mort, elle n’était pas veuve, elle était parfaitement bien, et très équilibrée. Toute la journée, elle avait souri. Le soir, les pieds en compote, elle décida de faire un tour à son bar favori, restaurant également. Elle commençait à être habituée maintenant, et les clients ainsi que les barmen la connaissaient désormais. Elle s’assit au comptoir, à sa place habituelle, et on vint vite la voir. « Même chose que d’habitude Angie ? » Elle hocha la tête et son premier verre fut vite servi. Whisky. Comme un homme. Elle le vida d’une traite et leva le verre vite en l’air, faisant la grimace malgré l’habitude, pour en commander un autre. Et un autre. Le jeune homme qui la servait depuis tout à l’heure eût un regard inquiet. « Tu ne devrais pas tant boire… » Elle releva des yeux noirs vers lui, sa vue légèrement trouble. « T’es qui toi ? J’te demande pas ton avis alors tu sers et tu la fermes. » Catégorique. Boire, c’était sa seule option pour ne pas tourner folle. Ou peut-être qu’elle l’était déjà.

C’était soirée karaoké et ces imbéciles chantaient tous comme des brèles. Elle avait mal aux oreilles, tellement qu’elle finit par enfouir sa tête à l’intérieur de ses bras, avec un manque de classe signalant son état d’ivresse, lorsqu’une voix la sortit de son calvaire. « Dure journée, hein ? » Angie toisa la jeune femme, l’œil louche après ces quelques verres. « Nan ! C’est la meilleure soirée de ma vie ! Mais je devrais vraiment aller mettre une raclée à ces types ! » Elle s’arrêta un instant, déjà bien éméchée, avant de rire d’une façon plutôt inquiétante. « Pf ! Ils chantent tous faux ahah ! » Quelque chose lui disait pourtant qu’elle allait bien s’amuser ici.


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