« C'est quand tu veux. »
Elle était consciente. Elle était consciente, de lui faire perdre son temps. Consciente, de lui donner du fil à retordre. À chaque séance, elle ne disait rien, elle restait terrée dans son marasme. Elle demeurait comme enfouie dans ce qui était devenue sa prison ; son mutisme. Elle avait peur. Elle avait tellement peur de son jugement. Peut-être qu'ils avaient tous raison, après tout. Peut-être qu'ils avaient raison, Cedrella était peut-être folle ; folle à lier. Quoi-qu'il advienne. Quoi-qu'il en soit, elle savait. Elle savait, que plus jamais elle ne pourrait vivre normalement. Tous ces rêves. Toutes ces espérances. Peut-être qu'elle avait tort d'y croire encore, de s'y accrocher ; le ciel l'avait condamné. Toutes ces prières. Toutes ces heures, où elle avait occupé les bancs d'église, peut-être que ceci n'avait servi à rien. Son regard ne quittait point le visage du psychologue. Elle clignait des yeux légèrement, une sucette à la bouche. Cedrella était si jeune ; trop jeune. Mais pourtant, elle semblait avoir perdu espoir ; déjà. Elle n'avait que dix ans. Pourtant, elle semblait avoir tout connu.
Chacune de leur séance demeurait les mêmes. L'homme la regardait, attendant. Cedrella, quant-à-elle, tapait dans son pot de bonbons, s'amusait à tourner sur sa chaise, sans un mot. La parole, même de cela, elle en avait perdu l'usage depuis le drame. Elle n'avait qu'une seule envie en ce moment : s'en aller. Mais elle ne pouvait point faire cela à sa famille adoptive, qui espérait tellement de ces séances. Que pouvait-elle bien dire à cet homme ? Elle parlerait, si elle le pouvait. « Parlez-moi un peu de votre enfance. » Qu'il la ferme. Seigneur, faites qu'il la boucle, définitivement. C'était cela, qu'elle souhaitait éviter, de toutes ses forces. Se remémorer lui était insupportable, insurmontable. Cedrella voulait rentrer chez-elle, mais elle savait qu'elle l'y attendait. Tessa. La frêle, la petite, et démoniaque Tessa. Son regard se leva instinctivement au dessus de l'épaule droite du psy', et ce fut là qu'elle l'aperçut. Assise sur l'étagère, jambes croisées, murmurant un faible « non ». C'était un secret, elle ne devait pas en parler ; elle ne devait pas parler du tout. Tout cela demeurait un secret, entre sa famille et elle. Un secret qu'elle ne devait pas trahir. L'homme tourna légèrement la tête, et n'aperçut point ce qu'elle apercevait. Il fronça légèrement les sourcils, l'air inquiet. « Elle est là, n'est-ce pas ? » C'était encore pire. C'était encore pire, lorsque les autres essayaient de rentrer dans son délire ; c'était une mauvaise idée. Ella répondit oui de la tête, observant l'objet de ses tourments, avec fascination. Oui, elle était là. Oui, elle était là, et elle lui interdisait d'ouvrir la bouche, lui affirmant qu'elle lui devait bien ça. Elle se pinça légèrement les lèvres, souhaitant les sceller à tout jamais, mais il lui donna le coup de grâce ; celui qui la fit craquer. « C'est elle qui vous empêche de me parler ? » La petite fit à nouveau oui de la tête, dans un élan de stupidité. Bien vite, Cedrella se cacha le visage, à l'aide de ses mains, s'en voulant de son écart. Elle le haïssait, de l'avoir forcé à avouer. Il essaya vainement de retirer ses mains de son visage, mais il finit par lâcher prise. Il finit par lâcher prise, tandis que la petite se plongea dans ce qui demeurait son passé ; son enfer. On a tous une histoire, aussi dramatique soit-elle.
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« Regarde papa ! Je tiens en équilibre ! Regarde ! » Avait-elle hurlé tellement fort, que tout le village l'avait probablement entendu. Son père au loin, s'approcha de la petite, la regardant à l’œuvre. Son père. Cet homme incroyablement bon. Cet homme incroyablement doué, dans ce qu'il faisait. Elle l'admirait, elle l'aimait ; il était son héros. Elle se souvenait encore de son regard, et de son expression lorsqu'il l'avait vue enfin réussir à tenir sur ce fil de fortune, qu'elle avait elle-même conçu pour s’entraîner. Son rêve, demeurait de faire comme ses parents, ceux qu'elle admirait. Selon certains, il n'y avait probablement rien de glorieux, d'être issue d'une famille du cirque. Pour certains, cela ne demeurait que de simples chimères, et que cela, ne les mènerait sûrement à rien. Pour eux, ils se devaient d'être cloîtrés derrière un bureau, pour paraître normaux, pour respecter les convenances. Ses parents n'ont point suivi ce chemin politiquement correct, voilà ce qui fait d'eux des personnes non-ordinaires, mais spectaculaires. Ella vacilla légèrement, et son père se tenait prêt, à la rattraper, en cas de chute ; si seulement ça pouvait être comme cela, durant toute sa vie, se dit-elle. Les chutes étaient inévitables, mais à ses côtés, elles lui semblaient des plus douces. « Fixe un point Cedrella. Fixe un point. » C'était facile à dire pour lui, il faisait ça depuis toujours. Le fil n'était qu'à un mètre du sol pourtant, mais c'était fou ce que l'on demeurait surprotégée, lorsqu'on était une petite fille de neuf ans ; elle se sentait pourtant prête à voler jusqu’au ciel. « Tu vois cette étoile ? Tu ne peux pas la rater, c'est celle qui brille plus que les autres. Fixe-la, ne détache pas ton regard de celle-ci. Avance vers elle, comme si tu voulais la décrocher. » Il avait un don. Il avait un don pour rendre la chose la plus anodine, en quelque chose de magnifiquement poétique. C'était peut-être pour cela qu'elle l'idolâtrait tant. Peut-être pour cela, qu'il demeurait son modèle. Un modèle, qu'elle ne pourra jamais égaler, tant il brillait de pureté. Ce fut avec une admiration sans faille, qu'elle l'avait écouté, se lançant à la poursuite de cet étoile ; l'étoile Augustus, la plus scintillante que toute la galaxie n'ait jamais porté.
« Maman est belle. » S’émerveillait sa petite sœur, admirant ce spectacle grandiose. La tenant fermement sur ses genoux, Cedrella s'était simplement contentée de hocher la tête, ne pouvant point décrocher ses yeux de la déesse. Tessa avait raison. Elle était divinement belle. Une beauté non superficielle. Une beauté non artificielle. Une beauté à damner tous les saints, bien que leur maman soit des plus religieuses. Ella voulait être comme elle. Elle voulait tellement hériter de sa grâce légendaire, mais aussi de sa force de caractère. Sa mère avait subi bien des choses, lors de son existence. Bafouée. Humiliée. Rabaissée, par un géniteur qui n'avait point su l'aimer à sa juste valeur. Ses souvenirs demeuraient des plus flous, en ce qui concernait son père, sa famille, mais tout ce qu'elle lui avait racontée était qu'on l'avait retrouvée à l'âge de ses cinq ans dans un appartement vide, ses parents l'ayant laissé à son triste sort ; entre les mains de Dieu. Voilà pourquoi elle le priait chaque jour. Voilà pourquoi elle y croyait dur comme fer. C'était grâce à lui, qu'elle demeurait encore ici, aujourd'hui. Grâce à lui, qu'elle avait su trouver en cette famille, l'amour qui lui était destiné ; qu'elle méritait.
Un bruit strident sorti Cedrella de sa rêverie. Un bruit d'explosion la fit redescendre sur terre. La replongeant de nouveau dans cette dure et froide réalité. Le feu. Du feu. Sortant de nulle-part. Elle ne comprenait pas. Elle n'avait rien vu venir. Des cris de terreur. Des cris de douleur. Elle avait peur. Tellement peur. Mais pour le moment, elle ne pouvait point se donner le loisir de réfléchir. Tout ce à quoi elle se devait de penser, était de les sortir d'ici, Tessa et elle. Les larmes coulaient le long de ses joues ; elle semblait apeurée ; Ella l'était aussi. Leur chapiteau. Leur endroit. Leur maison. Leur famille. Tout ce qu'ils avaient accompli depuis des années, était en train de partir en fumée sous leurs yeux. La scène était atroce, chaotiques. Tout le monde se bousculaient, se piétinaient, voulant à tout prix sortir, et tant pis pour les dommages collatéraux. Après deux minutes, qui ont probablement été des plus nocives pour leur cœur endoloris, l'air frais chatouilla enfin leurs poumons, bien que la fumée demeure présente, les aveuglant. Le regard de Cedrella se tourna derrière elle, et ce fut avec horreur qu'elle constata que Tessa avait disparu. Elle ne trouva personne. Ni elle, ni ses parents. Elle courra. Elle hurla, voulant à nouveau entrer dans le chapiteau. Voulant s'enfouir dans les flammes, avec eux. Mais on l'a tira brusquement par le bras. Non. Elle ne pouvait s'y résoudre. Elle pouvait pas ; pas ça.
« Cindy, reviens ici, tout de suite ! » La suppliait-il. Elle ne l'écoutait pas. Elle ne l'avait même pas entendu, et s'était rendue vers ce qui représentait autrefois la jovialité, la légèreté. Il n'y avait que des débris, de la fumée, des résidus d'effets, qui ne faisaient qu'accentuer l'ambiance chaotique, morose. Elle scrutait le spectacle, l’œil vide, ne reflétant aucune émotion. Elle ne pouvait plus penser, elle ne pouvait plus résonner ; son esprit demeurait bien trop embrumé. Comme si tout ce qui avait eu de bon en elle, avait brûlé avec le cirque. « Qu'est-ce-que tu fais ? » Demandait son cousin, derrière elle, à bout de souffle. Elle l'entendit cette fois, mais la petite ne prit guère la peine de se retourner. Elle se contentait d'avancer, le bois, le verre, craquant sous ses chaussures. Elle ne savait point ce qu'elle recherchait, mais elle n'était guère prête à assumer la vie qui l'attendait, une fois qu'elle serait sortie d'ici. Triste constatation, mais elle savait pertinemment que son enfer demeurait point terminé. Cedrella n'arrivait même pas à pleurer. Ce n'était guère une question de fierté, d’orgueil, mais elle semblait avoir pris dix ans, en une seule nuit ; du haut de ses neuf années. Ses pas s’arrêtèrent, à la vue d'un ours en peluche, enseveli sous ce qui ressemblait à une poutre. Une poutre, sous laquelle demeurait un corps inerte, celui de Tessa. Tessa. Elle était vivante. Cedrella accourut auprès d'elle, essayant vainement de soulever la poutre, l'arme de tuerie. Ben, son cousin, était venu l'aider. Lui qu'elle avait souvent qualifié de gringalet, sous l’adrénaline avait réussi à l'en débarrasser, et au fond d'elle, elle lui en serait probablement reconnaissante durant toute sa vie. « Tessa, lève toi, on y va. » Articulait-elle, difficilement. Tessa ne répondit pas, la fixant, sa lumière semblant s'éteindre peu à peu. Non. « Tessa, arrête de faire l'enfant, lèves-toi ! » Cedrella hurlait presque. Tessa voulut rétorquer, mais un filet de sang sorti de sa bouche, sous son regard horrifié. Elle la secoua, la semant de se lever, la suppliant, lui hurlant dessus, désespérée. Ce fut Ben qui l'arrêta, ce qui lui valut plusieurs coups de la part de la petite, aussi frêle soit-elle. Il finit par bloquer ses bras, l'enlaçant avec force par la taille, posant son menton sur son épaule. « Tu... » Même lui. Même lui, ne semblait savoir que dire. Tessa était sur le point de mourir. Elle était sur le point de mourir, et celle qui se devait de la protéger, se sentait à présent impuissante. « Il faut que tu la laisses partir. » Elle reçut ces paroles, comme un véritable poignard dans le cœur. « Laisse-moi. » Lâcha la petite, plus froidement qu'elle ne l'aurait voulu. « Laisse-moi...laisse-moi lui dire au revoir. » Sa voix ne demeurait qu'un souffle. Ben hésita quelques instants, avant de s'en aller. Cedrella s'allongea à côté de Tessa, lui tenant fermement la main. La petite sœur tourna son visage, avec difficulté. « Tu en prendras soin ? » Ella fronça les sourcils, et ses yeux s'embuèrent de larmes, lorsqu'elle comprit. Ella s'empara de cet ours en peluche, celui qui avait apaisé les nuits de Tessa, qui avait su la rassurer. « Je te le promets. » Mais ses paroles étaient sorties trop tard ; beaucoup trop tard. Tessa était déjà partie.
Elle était consciente. Elle était consciente, de lui faire perdre son temps. Consciente, de lui donner du fil à retordre. À chaque séance, elle ne disait rien, elle restait terrée dans son marasme. Elle demeurait comme enfouie dans ce qui était devenue sa prison ; son mutisme. Elle avait peur. Elle avait tellement peur de son jugement. Peut-être qu'ils avaient tous raison, après tout. Peut-être qu'ils avaient raison, Cedrella était peut-être folle ; folle à lier. Quoi-qu'il advienne. Quoi-qu'il en soit, elle savait. Elle savait, que plus jamais elle ne pourrait vivre normalement. Tous ces rêves. Toutes ces espérances. Peut-être qu'elle avait tort d'y croire encore, de s'y accrocher ; le ciel l'avait condamné. Toutes ces prières. Toutes ces heures, où elle avait occupé les bancs d'église, peut-être que ceci n'avait servi à rien. Son regard ne quittait point le visage du psychologue. Elle clignait des yeux légèrement, une sucette à la bouche. Cedrella était si jeune ; trop jeune. Mais pourtant, elle semblait avoir perdu espoir ; déjà. Elle n'avait que dix ans. Pourtant, elle semblait avoir tout connu.
Chacune de leur séance demeurait les mêmes. L'homme la regardait, attendant. Cedrella, quant-à-elle, tapait dans son pot de bonbons, s'amusait à tourner sur sa chaise, sans un mot. La parole, même de cela, elle en avait perdu l'usage depuis le drame. Elle n'avait qu'une seule envie en ce moment : s'en aller. Mais elle ne pouvait point faire cela à sa famille adoptive, qui espérait tellement de ces séances. Que pouvait-elle bien dire à cet homme ? Elle parlerait, si elle le pouvait. « Parlez-moi un peu de votre enfance. » Qu'il la ferme. Seigneur, faites qu'il la boucle, définitivement. C'était cela, qu'elle souhaitait éviter, de toutes ses forces. Se remémorer lui était insupportable, insurmontable. Cedrella voulait rentrer chez-elle, mais elle savait qu'elle l'y attendait. Tessa. La frêle, la petite, et démoniaque Tessa. Son regard se leva instinctivement au dessus de l'épaule droite du psy', et ce fut là qu'elle l'aperçut. Assise sur l'étagère, jambes croisées, murmurant un faible « non ». C'était un secret, elle ne devait pas en parler ; elle ne devait pas parler du tout. Tout cela demeurait un secret, entre sa famille et elle. Un secret qu'elle ne devait pas trahir. L'homme tourna légèrement la tête, et n'aperçut point ce qu'elle apercevait. Il fronça légèrement les sourcils, l'air inquiet. « Elle est là, n'est-ce pas ? » C'était encore pire. C'était encore pire, lorsque les autres essayaient de rentrer dans son délire ; c'était une mauvaise idée. Ella répondit oui de la tête, observant l'objet de ses tourments, avec fascination. Oui, elle était là. Oui, elle était là, et elle lui interdisait d'ouvrir la bouche, lui affirmant qu'elle lui devait bien ça. Elle se pinça légèrement les lèvres, souhaitant les sceller à tout jamais, mais il lui donna le coup de grâce ; celui qui la fit craquer. « C'est elle qui vous empêche de me parler ? » La petite fit à nouveau oui de la tête, dans un élan de stupidité. Bien vite, Cedrella se cacha le visage, à l'aide de ses mains, s'en voulant de son écart. Elle le haïssait, de l'avoir forcé à avouer. Il essaya vainement de retirer ses mains de son visage, mais il finit par lâcher prise. Il finit par lâcher prise, tandis que la petite se plongea dans ce qui demeurait son passé ; son enfer. On a tous une histoire, aussi dramatique soit-elle.
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Je me souviens d'une petite fille. Je me souviens d'une petite fille heureuse. Une petite fille, vivant au milieu d'une famille aimante. Aucun nuage ne demeurait à l'horizon, mais pourtant, de loin le Malin semblait la regarder. Au milieu de ses poupées. Au milieu de ses rêves d'enfants, la vie avait bien des projets pour elle, et les mauvais desseins du destin n'allaient point tarder à frapper. C'était ainsi. C'était la vie. C'était comme ça. C'était comme ça, et elle ne pouvait rien y faire ; elle n'avait rien vu venir. Je me demande parfois pourquoi les choses ont dérapé, aussi rapidement. Je me demande parfois, pourquoi ce bonheur que nous avons essayé d'entretenir nous a glissés entre les doigts.
« Regarde papa ! Je tiens en équilibre ! Regarde ! » Avait-elle hurlé tellement fort, que tout le village l'avait probablement entendu. Son père au loin, s'approcha de la petite, la regardant à l’œuvre. Son père. Cet homme incroyablement bon. Cet homme incroyablement doué, dans ce qu'il faisait. Elle l'admirait, elle l'aimait ; il était son héros. Elle se souvenait encore de son regard, et de son expression lorsqu'il l'avait vue enfin réussir à tenir sur ce fil de fortune, qu'elle avait elle-même conçu pour s’entraîner. Son rêve, demeurait de faire comme ses parents, ceux qu'elle admirait. Selon certains, il n'y avait probablement rien de glorieux, d'être issue d'une famille du cirque. Pour certains, cela ne demeurait que de simples chimères, et que cela, ne les mènerait sûrement à rien. Pour eux, ils se devaient d'être cloîtrés derrière un bureau, pour paraître normaux, pour respecter les convenances. Ses parents n'ont point suivi ce chemin politiquement correct, voilà ce qui fait d'eux des personnes non-ordinaires, mais spectaculaires. Ella vacilla légèrement, et son père se tenait prêt, à la rattraper, en cas de chute ; si seulement ça pouvait être comme cela, durant toute sa vie, se dit-elle. Les chutes étaient inévitables, mais à ses côtés, elles lui semblaient des plus douces. « Fixe un point Cedrella. Fixe un point. » C'était facile à dire pour lui, il faisait ça depuis toujours. Le fil n'était qu'à un mètre du sol pourtant, mais c'était fou ce que l'on demeurait surprotégée, lorsqu'on était une petite fille de neuf ans ; elle se sentait pourtant prête à voler jusqu’au ciel. « Tu vois cette étoile ? Tu ne peux pas la rater, c'est celle qui brille plus que les autres. Fixe-la, ne détache pas ton regard de celle-ci. Avance vers elle, comme si tu voulais la décrocher. » Il avait un don. Il avait un don pour rendre la chose la plus anodine, en quelque chose de magnifiquement poétique. C'était peut-être pour cela qu'elle l'idolâtrait tant. Peut-être pour cela, qu'il demeurait son modèle. Un modèle, qu'elle ne pourra jamais égaler, tant il brillait de pureté. Ce fut avec une admiration sans faille, qu'elle l'avait écouté, se lançant à la poursuite de cet étoile ; l'étoile Augustus, la plus scintillante que toute la galaxie n'ait jamais porté.
Au nom de tous les miens. Au nom de tous les miens, je me dois d'avancer. Au nom de tous les miens, je me dois de survivre. Pourtant, le fil a craqué. Pourtant, je suis dans le néant. Je m'engouffre dans ce qui demeure mon autodestruction. La force que je puise me paraît tellement déplacé, en sachant que eux sont partis, et pas moi. Tout cela me paraît tellement illusoire. D'ailleurs, la vie en elle-même, ne l'est-elle pas ? C'est en ce jour maussade, que je vous dis au revoir ; au revoir, à jamais.
« Maman est belle. » S’émerveillait sa petite sœur, admirant ce spectacle grandiose. La tenant fermement sur ses genoux, Cedrella s'était simplement contentée de hocher la tête, ne pouvant point décrocher ses yeux de la déesse. Tessa avait raison. Elle était divinement belle. Une beauté non superficielle. Une beauté non artificielle. Une beauté à damner tous les saints, bien que leur maman soit des plus religieuses. Ella voulait être comme elle. Elle voulait tellement hériter de sa grâce légendaire, mais aussi de sa force de caractère. Sa mère avait subi bien des choses, lors de son existence. Bafouée. Humiliée. Rabaissée, par un géniteur qui n'avait point su l'aimer à sa juste valeur. Ses souvenirs demeuraient des plus flous, en ce qui concernait son père, sa famille, mais tout ce qu'elle lui avait racontée était qu'on l'avait retrouvée à l'âge de ses cinq ans dans un appartement vide, ses parents l'ayant laissé à son triste sort ; entre les mains de Dieu. Voilà pourquoi elle le priait chaque jour. Voilà pourquoi elle y croyait dur comme fer. C'était grâce à lui, qu'elle demeurait encore ici, aujourd'hui. Grâce à lui, qu'elle avait su trouver en cette famille, l'amour qui lui était destiné ; qu'elle méritait.
Un bruit strident sorti Cedrella de sa rêverie. Un bruit d'explosion la fit redescendre sur terre. La replongeant de nouveau dans cette dure et froide réalité. Le feu. Du feu. Sortant de nulle-part. Elle ne comprenait pas. Elle n'avait rien vu venir. Des cris de terreur. Des cris de douleur. Elle avait peur. Tellement peur. Mais pour le moment, elle ne pouvait point se donner le loisir de réfléchir. Tout ce à quoi elle se devait de penser, était de les sortir d'ici, Tessa et elle. Les larmes coulaient le long de ses joues ; elle semblait apeurée ; Ella l'était aussi. Leur chapiteau. Leur endroit. Leur maison. Leur famille. Tout ce qu'ils avaient accompli depuis des années, était en train de partir en fumée sous leurs yeux. La scène était atroce, chaotiques. Tout le monde se bousculaient, se piétinaient, voulant à tout prix sortir, et tant pis pour les dommages collatéraux. Après deux minutes, qui ont probablement été des plus nocives pour leur cœur endoloris, l'air frais chatouilla enfin leurs poumons, bien que la fumée demeure présente, les aveuglant. Le regard de Cedrella se tourna derrière elle, et ce fut avec horreur qu'elle constata que Tessa avait disparu. Elle ne trouva personne. Ni elle, ni ses parents. Elle courra. Elle hurla, voulant à nouveau entrer dans le chapiteau. Voulant s'enfouir dans les flammes, avec eux. Mais on l'a tira brusquement par le bras. Non. Elle ne pouvait s'y résoudre. Elle pouvait pas ; pas ça.
Dernière édition par Cedrella S. Azzilluti le Mar 15 Juil - 12:52, édité 10 fois