« Vous savez, il m’arrive de penser que le monde ne tourne pas rond. Que moi-même, je ne tourne pas rond. Qui suis-je ? Une fille, une femme, une sœur, une amie. Je suis tant de chose que je n’ai plus l’impression d’être moi-même. Parfois je chute, parfois je rebondis. Ma vie ressemble à un champ de bataille. Ma vie est un bordel que je n’arrive pas à comprendre. J’entends ces voix qui me murmurent d’avancer, de continuer. D’essayer. J’entends ces gens me parler, m’encourager. Qui sont-ils ? Ils m’effraient mais j’avance, je continue. J’essaye. Seulement, je n'y arrive pas. Je continue d'avoir ces images dévastatrices me hantant en permanence. Y-a-t-il un remède miracle à la douleur du passé ? Vous même, vous n'en savez rien. Vous avez beau être psychologue, cela ne change rien. Je vais vous dire ... j'ai dix-neuf ans, j'aurais vingt ans et ma seule activité c'est de venir vous voir chaque semaine.
_ Parle-moi de ta sœur. »

« Marylie représente un souvenir vague, une image floue. Je devais sans doute être trop jeune. Trop fragile pour comprendre. Je me souviens de ses longs cheveux blonds et de sa voix. De cette chanson qu'elle me chantait lorsque je ne voulais pas m'endormir. Je me souviens de ses mains, des mains de pianiste. Elle jouait du piano, pas toujours très bien. Elle chantait mieux, sans doute. Sa disparition soudaine a semé le trouble à la maison. Une sorte de zizanie infernale. Elle était mon modèle, je voulais lui ressembler à tout prix. Sept ans nous séparaient, elle était la perfection. Elle ne méritait pas de partir si vite, de finir sa vie ainsi. Au début, les premiers mois, personne ne voulait m'en parler, me raconter la vérité. Je l'ai appris de moi-même, en écoutant les conversations. Un homme foncièrement mauvais l'avait abattu. Cet homme m'avait enlevé ma sœur. Je ne sais pas si c'est la colère qui avait fini par me gagner ou le chagrin qui n'avait cessé de m'envahir. L'un comme l'autre, je lui en voulais tellement. Je n'ai pas de souvenirs de ma sœur à cause d'un fou.
_ Certaines personnes ont besoin de montrer qu'elles existent. Parfois, ce sont d'horribles choses. Il faut se relever, avancer. Et ne surtout pas chercher à se venger. Cela n'en vaut pas la peine. Marylie t'aimait et elle t'aimerait toujours, qu'importe l'endroit où elle se trouve.
_ Il a détruit ma famille. Je ne parle plus à Milo, pour ainsi dire. Mes parents n'ont plus jamais été les mêmes ... Et moi, je fais les mauvais choix. Elle n'est plus là pour m'aider. Pour me conseiller. Pour me consoler. »

« Vous voyez. Je suis tellement naïve. Je me laisse faire, je me fais avoir à chaque fois. J'ai pourtant l'impression de me sentir vivante près d'eux, de ces hommes finalement incompatibles avec moi. Je n'arrive pas à leur en vouloir. Ni pour les coups, ni pour l'alcool, ni pour le reste. Je n'arrive pas à les haïr. Dans le fond, je crois les aimer si fort que je n'y arrive pas. Ils m'entraînent vers le bas, m'attirent vers le fond. J'ai fait des choses que je ne voulais pas faire. Je ne sais pas comment je vais m'en sortir, comment je vais réussir à changer ma perception des choses.
_ Maxym, écoute-moi. Tu n'arrives pas à ressentir les choses véritablement. Tu ne distingues pas le bien du mal, les mauvaises personnes des bonnes. Tu as simplement besoin de rencontrer la personne qui te permettra de revoir ton jugement. Tu n'as besoin de personne pour tout ça. Tu y arriveras seule.
_ Comment ?
_ En ouvrant les yeux. En observant. Tu ne peux pas penser que rien de bien ne t'arrivera sous prétexte que tu as perdu ton repère il y a des années de cela. Il est temps d'aller de l'avant. Tu t'en sortiras après. Commence par ouvrir les yeux et t'ouvrir au monde. »