✰ sweetie, you couldn't ignore me if you tried.
La plupart des gens se disent qu’être élevée par un parent célibataire ; c’est compliqué. En réalité, ça l’est plus pour le parent que pour l’enfant. Pour ma part, j’ai été élevée uniquement par ma mère. Je n’ai jamais su à quoi mon père ressemblait. C’est assez étrange mais je l’ai toujours bien vécue. Enfant, je voulais en savoir plus. J’harcelais ma mère de question. Bah oui, l’inconnu, ça intrigue ! Puis, le temps a passé et j’ai eu l’habitude. Puis, une épreuve de ma vie m’a fait prendre conscience qu’il valait parfois mieux ne pas connaître les gens. En effet, alors que je n’avais que dix ans, ma mère a commencé à fréquenter un homme, Diego. Diego Alvarez. Il paraissait bien, propre sur lui. Cependant, je n’ai jamais pu empêcher la formation de cette boule au fond de mon ventre lorsque je croisais son regard. Il m’avait toujours dégoûtée et j’étais bien loin de lui faire confiance. Ma mère semblait amoureuse. J’avais la sensation que ça se refermait sur elle et qu’elle ne pourrait rapidement plus s’en dépêtrer. Deux ans plus tard, ils se marièrent et la cohabitation avec Diego commença. Le souci, c’est que l’enfer commença également. Quand ma mère était au travail et que je me retrouvais seule à la maison avec lui, il ne manquait pas de me battre pour des raisons, la plupart du temps, infondées. Chaque jour, les bleus se multipliaient et je parvenais, d’une manière quasi-exceptionnelle, à les camoufler au point où ma mère ne soupçonnait rien. Cela ne m’empêchait pas d’avoir de bons résultats scolaires. Je voulais faire tout mon possible pour me sortir de là. Je ne pouvais pas vivre éternellement ainsi, sous le même toit que mon bourreau ! Oui, j’en étais certaine, il allait finir par me tuer. Alors, chaque été, je faisais mon possible pour gagner de l’argent. Argent que je cachais du mieux que je pouvais car ce foutu Diego aurait été capable de me le voler. Oui, en plus de me battre, il avait déjà été arrêté pour trafic de drogues. Mais, vous comprenez, ce genre de personne s’en sort car on paye qui il faut pour qu’il réponde en sa faveur. C’était arrivé plusieurs fois. Soit disant que ça, c’était avant ma mère. Bah tiens ! Enfin, une fois une somme assez conséquente regroupée, j’ai pris la fuite. Un sac à dos avec quelques affaires, des sandwichs et mes billets entassés. C’était tout ce que j’avais pour rejoindre ma grand-mère. Du haut de mes seize ans, je sentais que je n’avais pas d’autre choix si je voulais m’en sortir. Et, ma mère, elle refusait d’y croire…
Ma nouvelle vie commença à Hollsville. Mamie m’hébergea, elle fut plus une mère pour moi que ma propre mère ne l’avait jamais été. Cela fait aujourd’hui sept ans que je me suis réfugiée ici. Vous l’aurez compris, j’ai maintenant vingt-trois ans. La petite fille a laissé place à une jeune femme qui a confiance en elle, malgré sa fragilité enfouie. Ma mère a déclaré ma disparition, Mamie a accepté de me couvrir en ne lui disant pas où j’étais. Avec le temps, je me suis dénoncée à la police mais j’ai expliqué qu’il m’était impossible de retourner chez ma mère, que je ne le supporterais pas. En expliquant la situation, la police se contenta de dire à ma génitrice que j’étais en vie et en sécurité. Cette sécurité, je ne l’avais jamais eu chez elle. Suite à cet appel, j’appris qu’elle avait eu un enfant avec Diego, peu de temps après mon départ. Je ne compte plus les jours où j’ai des crampes au ventre en me demandant ce que cet enfant peut subir. Puis, j’ai fini par comprendre : cet enfant était probablement aimé et immaculé car lui, il était son enfant alors que moi, je n’étais que la bâtarde de sa femme. Au fond, ça avait été ça le problème depuis le départ. Bref, je suis très heureuse à Hollsville. Ma vie a enfin pris un sens. Diplômée avec un an d’avance, je suis aujourd’hui diplômée de lettres étrangères. Je suis aujourd’hui écrivain et mon premier livre s’est plutôt bien vendue auprès de la population adolescente.