Le bon, la brute et le truand.
... Non, j'déconne, juste trois meufs célib.

Je raccrochais, un sourire s’étalant lentement mais sûrement sur mon visage. Face à moi, une Zippora. Oh-oh. Sortir avec Zippora et sa cousine, ça m’était déjà arrivée quelques fois. C’était … intéressant, le plus souvent. Super d’un côté, parce qu’en qualité de flic, Frankie nous faisait boire sans souci. Et drôle d’un autre, parce que je rigolais bien. J’essayais de caser Frankie en douce, qui essayait de caser Zippora ouvertement, qui était, le plus souvent, exaspérée. Parfois, une alliance se créait, et on essayait de caser ou l’une, ou l’autre. Dieu soit loué, je n’étais pas au centre de l’attention avec Frankie dans les parages, généralement. Il ne me fallut pas longtemps pour convaincre Zippo de venir à l’autre bout de la ville, au Witter’s Bar.
L’odeur, les gens, l’ambiance, la lumière, les cris, les rires. Un bar. Un barman sexy.
J’attrapais le plus naturellement du monde la main de Zippo pour l’entraîner là-dedans, à la recherche du bar, le comptoir du bar … L’absence d’un tabouret fut le plus compliqué, mais on s’occupera de ça plus tard. Au moins, on en avait deux, et le type à l’entrée n’avait pas cillé en nous voyant. Je me laissais tomber sur un, en attendant l’arrivée de sa cousine. J’en profitais pour rattacher mes cheveux en une queue de cheval très haute, histoire de dégager mon cou, de prendre automatiquement deux-trois ans de plus, et me permettre de glisser quelques regards à la dérobée à droite à gauche. Et puis, Frankie arriva dans une robe sexy. Alors que Zippo et moi, on était, comment dire … beaucoup plus casual. J’avais gardé ma petite robe blanche, à peine accessoirisé de deux sautoirs. Mais ça passait.

Elle demanda si on avait commencé sans elle, mais on avait pas vraiment eu le temps, en fait. Sauf que le truc, c’est qu’on s’était levée pour l’accueillir, et par un tour de passe-passe magique, Zippo se retrouva debout. Elle exprima mes pensées – faut croire qu’on se rejoint sur pas mal de trucs – et puis, alleluia, la première tournée nous fut offerte par Frankie. Ô, Frankie. Frankie, mi amor. Je sentais qu’on allait bien s’entendre !
Je me tournais un peu, pour avoir le barman dans mon champ de vision. Zippora décida de prendre comme nous, alors, pour ma part, je me lançais : Deux mojitos, s’il vous plaît ! Et pour toi ? commandais-je en interrogeant Frankie. Puis je reposais mon attention sur Zippo, debout, comme un chien apeuré. Elle me fit rire quand elle prit son air désespéré, demandant ce qu’on allait lui faire faire. La torturer, bien évidemment, c’est à ça que sert la famille et les amis … Je jetais un regard dans la salle, à la recherche d’un tabouret de libre. La plupart des grappes de tables autour du bar étaient hautes, donc disposaient aussi de tabourets. Il y en avait bien un ou deux de libres … Il aurait été bien plus simple de demander à mon voisin accoudé au bar de se lever, juste pour voir, et de lui dérober sa chaise, mais comme il était à côté, c’était un peu raté.
Il y avait un va-et-vient, lent mais perpétuel dans le bar. Il suffisait de laisser ses yeux traîner pour percuter les gens, les tables … les chaises libres. Je laissais mon regard sur elle, comme si la regarder empêcherait n’importe qui de s’asseoir dessus, et un peu dans le vague, annonçais les couleurs. Il y a un tabouret là-bas, si tu veux … tu pourrais aller leur demander s’ils en ont besoin … et voir s’ils peuvent nous payer une autre tournée aussi ? Et c’est pas un plan foireux ! (enfin, pas encore … ) Quoi ? Comment ça, j’avais pas envie de payer mes consommations ? J’y serai bien allée moi-même, mais Zippo avait tendu la perche. Je reportais mon attention vers Frankie, je n’étais pas le genre à y aller par quatre chemins avec Zippo, c’est sûr, mais dans mon plan, il y avait toujours une place pour Frankie et son cœur givré. Il était coincé, son petit cœur. Entre des parois trop petites.